I can speak : Interview de Kim Hyeon Seok et de Lee Je Hoon

4 novembre 2017

Interview de Kim Hyeon Seok et de Lee Je Hoon pour le film « I can speak »

A l’occasion de la 12ème édition du Festival du Film Coréen à Paris, nous avons eu l’opportunité d’interviewer Kim Hyeon Seok (réalisateur) et Lee Je Hoon (acteur) venus à Paris pour faire la promotion du film « I can speak ».

Bonjour, pourriez-vous vous présenter ?

Bonjour je m’appelle Kim Hyeon Seok et je suis le réalisateur du film I can speak. Ravi de vous rencontrer !

Bonjour je m’appelle Lee Je Hoon, j’interprète le rôle de Park Min Jae dans le film I can speak.

Qu’est-ce qui vous a inspiré pour réaliser ce film ?

Kim Hyeon Seok : Il s’agit d’une histoire vraie qui s’est déroulée il y a 10 ans de cela. Le producteur a travaillé pendant 3 ans sur le scénario mais ce n’est que l’année dernière qu’il me l’a proposé. Et entre temps il n’y a pas eu d’amélioration sur la question des « femmes de réconfort ». En effet, il y a 2 ans, les gouvernements coréens et japonais ont signé ensemble un accord sans pour autant faire participer les femmes victimes de ces atrocités. Le Japon a proposé une compensation financière et en échange la Corée du Sud devait cesser de parler du sujet des femmes de réconfort. La population sud-coréenne s’est opposée à cette loi et ce film est en quelque sorte le signal d’alarme sur le sujet de ces femmes victimes de ces crimes de guerre. I can speak, permet de dire : « non, on ne va pas en rester là et le gouvernement japonais doit prendre ses responsabilités ».

Lee Je Hoon, pourriez-vous nous parler de votre personnage dans le film ?

Lee Je Hoon : Park Min Jae est un jeune fonctionnaire d’état, homme de principe et diligent dans son travail, il aime faire les choses dans les règles de l’art. Depuis peu, il vient d’être muté dans un nouvel arrondissement à Séoul, dans lequel habite une habitante grincheuse, Na Ok-boon, dont tous les habitants se méfient. Mais Na Ok-Boon est une femme avec un lourd passé. En effet, très jeune, elle a été séparée de son petit frère envoyé aux Etats-Unis et elle souhaite apprendre l’anglais pour communiquer avec lui. Lorsqu’elle se rend compte que Park Min-jae parle anglais, elle lui demande de lui apprendre cette langue. Grâce à cette rencontre, Min Jae va commencer à devenir plus humain et à s’ouvrir aux autres.

Avez-vous une scène préférée dans le film et si oui, laquelle ? (Attention spoiler)

Kim Hyeon Seok : La scène qui m’a le plus touchée dans le film, c’est celle dans laquelle Ok Boon va faire son discours face à toutes ces personnes qu’elle ne connait pas, elle va hésiter à parler; jusqu’au moment où elle aperçoit Min Jae qui va l’interpeller pour lui dire « How are you ? » et elle va lui répondre « I’m fine Thank you ». C’est une phrase ordinaire mais dans ce contexte, elle prend tout son sens; Ok Boon veut simplement que quelqu’un lui tende la main et lui demande « comment elle-va ».

Lee Je Hoon : Personnellement, ma scène préférée c’est celle dans laquelle Min Jae apprend l’anglais à Ok Boon autour du jeu de go (바둑). Cette scène a dû être tourné en une seule prise, la caméra placée à côté de nous; tournait sur 360° pour nous filmer. Nous avons donc du montrer à l’écran la complicité naissante entre les deux personnages. Aussi, je me suis dit qu’elle chance j’ai; de pouvoir donner une petite pichenette à Na Moon Hee et d’ailleurs c’est pour cela qu’elle m’a donnée une bonne claque à la fin de la scène (rires).

Ce film parle d’un sujet encore tabou en Corée du Sud. Il vous fallait donc une actrice avec du charisme et Na Moon Hee joue ce rôle à merveille. Aviez-vous cette actrice en tête pour le film ?

Kim Hyeon Seok : En effet, Na Moon Hee a une image de femme forte avec du charisme. Mais si vous regardez le film dans la scène finale, au moment du procès, cette scène c’est réellement passée et l’actrice ressemble beaucoup à Lee Yong Soo une des victimes de ce crime de guerre ayant témoigné dans ce procès contre le gouvernement japonais il y a 10 ans. Elle se ressemble physiquement mais aussi moralement, puisque Lee Yong Soo est également une femme forte. De plus, ce sont des femmes qui ont toujours été fortes moralement et qui n’ont rien laissé paraître. Et plutôt que de rester dans un « rôle de victime », ce sont finalement des femmes fortes, qui ressemblent à ces « Halmoni (할모니) » (grand-mère) un peu bourru que l’on rencontre dans son quartier. En effet, on le voit dans le film Miss Granny (수상한 그녀) et dans la série High Kick (하이킥), l’actrice Na Moon Hee joue le rôle d’une grand-mère à la fois chaleureuse mais aussi un peu grognon. C’est pour cela qu’il n’y avait que Na Moon Hee pour jouer ce rôle très poignant.

Pensez-vous que Ok Boon puisse être le symbole d’un message de sensibilisation sur la question des femmes de réconfort en Corée du Sud et dans le monde ?

Kim Hyeon Seok : Actuellement il ne reste que 37 femmes victimes de ces atrocités mais on ne sait pas exactement combien elles étaient en tout et peut-être que certaines n’ont pas encore osées témoigner. C’est au milieu des années 90, que certaines d’entre elles ont commencé à se manifester et à témoigner. Mais bien que la société sud-coréenne soit au courant de ce sujet, on ne sait pas vraiment ce qu’il s’est passé à cette époque. J’espère que mon film permettra de montrer un nouveau point de vue sur le sujet des femmes de réconfort et de le faire connaître aux yeux du monde.

Comment expliquez-vous le succès de votre film ?

Kim Hyeon Seok : C’est un film avec une question politique puisque les coréens sont contre les décisions prises par les gouvernements coréen et japonais. On veut que la justice soit rendue et c’est pour cela que ce film touche tous les coréens.

Et la deuxième chose qui pourrait expliquer le succès du film, ce serait peut-être parce que le sujet des femmes de réconfort a déjà été abordé par d’autres réalisateurs mais du point de vue des jeunes filles au moment de leur calvaire. I can speak nous montre d’abord cette grand-mère un peu bougon et que tout le monde ne supporte pas dans le quartier et finalement on s’attache à elle et on se rend compte qu’elle cache un lourd passé. Et c’est peut-être ce point de vue là, qui a plu aux spectateurs.

Lee Je Hoon : Dans le film, I can speak ce qui change des autres films ou documentaires sur ce sujet, c’est peut-être le fait que les gens arrivent à s’identifier au personnage principal. Puisque finalement votre voisine de palier ou une femme de votre entourage aurait pu être une ancienne victime de ces atrocités. On se met à la place de Min Jae et on se dit que cela nous touche de très près finalement. C’est cette prise de conscience qui est importante pour moi.

Pour réaliser ce film avez-vous rencontré certaines victimes de ces crimes ?

Kim Hyeon Seok : Lorsque j’ai reçu le scénario, j’ai rencontré plusieurs fois Lee Yong Soo et d’autres victimes. D’ailleurs j’ai un peu honte en tant que coréen de ne pas avoir tendu la main plus tôt à ces femmes et de ne pas avoir été à leurs rencontres plus tôt. Pour tourner le film au plus proche de la réalité, j’ai également regardé des documentaires et lu des articles sur ce sujet. Et lorsque le film a été bouclé, nous avons invité certaines d’entre elles comme Kil Won Ok, Lee Yong Soo. Malheureusement, Kim Gun Ja est décédée avant d’avoir eu le temps de voir le film.

Lee Je Hoon : Pour ma part, au début, quand tout le staff du film a été réuni, je me suis dit que l’on devait donner le meilleur de nous même pour la réussite de ce film. Même si je ne peux pas ressentir la douleur de ces femmes, j’espère qu’elles n’auront pas honte de ma prestation et qu’elles seront fières de ce film.

Vos futurs projets ?

Kim Hyeon Seok : Pour ma part, j’ai mis toute mon énergie dans ce film alors je vais me reposer et je vous dis à l’année prochaine !

Lee Je Hoon : De mon côté, j’ignore encore si ce sera dans un drama ou un film; mais en ce moment, je travaille sur le projet du réalisateur Yoon Sung-hyun avec qui j’avais collaboré en 2010 pour le film « Bleak Night » – « La Frappe » (파수꾼). J’espère pouvoir revenir en France pour faire la promotion de ce futur projet !

Propos recueillis par Marion & Gouny (K-phenomen)

Remerciements à l’équipe du FFCP 2017 pour l’organisation de l’interview. Merci à l’acteur et au réalisateur pour cette superbe interview!

    1 comment

  • Iza
    21 juin 2018
    Reply

    Bonjour Marion

    J’ai eu la chance de voir ce film a l’occasion du printemps coréen de Nantes il y a très peu de temps avec ma fille âgée de 15 ans ; film bouleversant par essence .
    Un sujet grave traité avec tellement de bienveillance et de respect : un focus indispensable pour qui aime la Corée , sa culture ,son histoire .
    Mais le film nous lance aussi quelques sujets transverses comme les rapports a la hiérarchie , les relations intergénérationnelles , les responsabilités dans la fratrie ,les conditions de vie et de travail des gens modestes ,avoir plus de trente ans et n’être pas marié……
    L’actrice principale est magistrale …..Nous avons ri ET pleuré . A revoir, bien évidemment, en ce qui nous concerne!

    Le focus de ce printemps étant mis sur les femmes dans le cinéma sud coréen nous avons également visionné « The bacchus Lady » de Lee Je-yong avec Yoon Yeo-jeong( que j’ai découvert vraiment avec « l’ivresse de l’argent ») autre excellente actrice qui endosse le rôle d’une femme contrainte de se prostituer car sa maigre retraite ne suffit pas pour vivre.mais pas que……Comment la vieillesse est vécue des lors qu’il existe déliquescence physique et psychologique, le rapport aux générations plus jeunes (encore..), comment vivre dans une société ou la culture du beau est très prégnante et ou être différents s’avère compliqué ; C’est cru , dérangeant et quelque fois surréaliste .La fin nous a laissé un gout d’amertume …..et beaucoup de compassion pour ce personnage haut en couleurs

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