La communauté LGBT en Corée du Sud
La communauté LGBT en Corée du Sud est un article que je devais absolument vous écrire. Actuellement, Quels sont les droits LGBT en Corée du Sud ? Faire partie de cette communauté est-ce un tabou en Corée ?
Avant de commencer la lecture de cet article, pour plus de compréhension, voici la définition du sigle LGBTQ qui regroupe les lesbiennes, gays, bisexuel(le)s, transgenres et intersexués.
En tant que vecteur de la Hallyu, les dramas reflètent une certaine image de la société coréenne et après en avoir visionné quelques uns, on s’aperçoit vite que la majorité (voire totalité) des couples principaux est hétérosexuelle.
À croire que l’homo-bi-trans-sexualité n’existe pas en Corée du Sud.
Pourtant, comme partout ailleurs, lesdites « minorités » sexuelles existent.
État des lieux d’un tabou sociétal
Bien que l’homosexualité ne soit pas légalement réprimée en Corée du Sud, elle demeure un tabou dans la société coréenne, connue pour être conservatrice. De sorte que les LGBT, en l’absence de véritables droits les protégeant, font face au quotidien à de multiples discriminations et stigmatisations.
La forte pression sociale ‒ qu’elle soit professionnelle ou familiale ‒ couplée à l’influence de la communauté chrétienne hostile à toute acceptation de ces minorités, somme ces personnes à rester dans l’ombre. La plupart d’entre eux n’osent pas s’affirmer de peur d’être rejeté par leur entourage.
Source : Ahn Young-joon/AP
Homosexualité en Corée du Sud : Une situation délicate politiquement ignorée
Cette question de l’homosexualité est tellement délicate que lors de la campagne présidentielle, le Président actuel Moon Jae-In avait déclaré qu’il n’approuvait pas l’homosexualité et ne comptait pas, au cours de son mandat, changer la situation actuelle des minorités sexuelles en adoptant des mesures légales qui permettraient la reconnaissance de leurs droits et par conséquent, leur protection juridique.
Cependant, cette attitude hostile face à la reconnaissance des droits de la communauté LGBT est contraire aux engagements internationaux pris par le gouvernement sud-coréen. Beaucoup d’activistes pointent du doigt le comportement hypocrite de la Corée de Sud face à cette question.
En effet, au sein des Nations Unies, la Corée du Sud vote régulièrement en faveur de programmes et de mesures appelant à cesser les discriminations envers les LGBT. Pourtant, dans la réalité, rien n’est fait pour appliquer ces engagements au niveau national.
Or, cette absence de droits est néfaste et dangereuse car elle ouvre la porte à de sérieuses injustices et abus.
Source : JUNG YEON-JE/AFP/GETTY IMAGES
Des citoyens « oubliés » de la justice
Au printemps dernier, une affaire a fait grand bruit dans l’opinion publique tant coréenne qu’internationale.
Au sein de l’armée coréenne, suite à la diffusion d’une vidéo compromettante, une véritable chasse aux sorcières s’est organisée afin de dénoncer les homosexuels dans les rangs militaires car si la loi ne punie pas l’homosexualité au niveau de la société civile, dans le domaine militaire, celle-ci est légalement réprimée. Le code pénal militaire coréen considère même comme « viol réciproque » un rapport sexuel (même consenti) entre deux personnes adultes de même sexe et le punit de deux ans de prison. D’ailleurs, à l’issue de l’enquête, l’un des soldats suspectés a été condamné par le tribunal militaire à six mois de prison et d’une peine d’un an de sursis.
Lors de cette affaire, pas moins d’une trentaine de soldats a été entendue et l’un d’entre eux, sous anonymat, a témoigné de l’ambiance très oppressante et de l’humiliation qu’il a ressentie. On ne peut qu’imaginer l’angoisse éprouvée par ces soldats, conscients de l’opprobre générale qui les attendait.
Quand bien même cette affaire se soit déroulée dans la sphère militaire régie par des règlements spéciaux pas toujours cléments en faveur des homosexuels (cela rappelle la règle du «Don’t ask, don’t tell» pratiquée et abolie par l’armée américaine), il est difficile d’ignorer les atteintes aux droits humains entraînées par cette traque. Celle-ci illustre parfaitement les dérives auxquelles peut aboutir l’absence de droits envers les minorités sexuelles.
Au vu de l’acharnement de l’armée et des médias pour retrouver les coupables, cela interroge sur la façon dont une telle situation est traitée au niveau de la société civile.
Source : InSapphoWeTrust
Les lourdes conséquences d’un coming-out
Cette affaire militaire démontre bien la difficulté de vivre en tant que gay- lesbienne-transgenre en Corée du Sud, un pays où faire son coming-out ou soutenir publiquement ces droits en tant que célébrité est risqué.
En témoigne tout d’abord l’expérience de l’acteur Hong Seok-Cheon qui a dû faire face à l’opprobre générale et une mise au ban médiatique après avoir fait son coming-out en 2000. Si Hong Seok-Cheon a pu s’en sortir (il est aujourd’hui propriétaire de plusieurs restaurants gay-friendly et revient petit à petit dans les programmes télévisés : il co-anime My Neighbor Charles), il n’en va pas de même pour tout le monde.
Certaines personnes font face à tant de pressions et de méchancetés qu’elles en arrivent à mettre fin à leurs jours. L’histoire de l’acteur Kim Ji-Hoo qui rencontrait de nombreuses difficultés à cause de son orientation sexuelle et décédé en 2008, met en lumière celles de milliers d’autres citoyens lambda dont le triste sort reste inconnu. Combien sont abandonnés par leur famille, leurs amis et collègues ? Nul ne le sait. D’autres songent même à vivre à l’étranger pour éviter cette stigmatisation et cette obligation de vivre cachés.
La traque médiatique de l’affaire militaire est remplacée ici par le poids considérable des réseaux sociaux dont on ne peut pas ignorer le pouvoir.
Après la fusillade d’Orlando aux Etats-Unis, plusieurs Idols (G-Dragon de BIG BANG, Jo Kwon des 2AM…), ont montré leur soutien en publiant sur les réseaux sociaux des messages associés au drapeau arc-en-ciel, symbole de la communauté LGBT, avant de les supprimer sous la pression.
Toutefois, comme le montre l’apparition de personnages homo-bi-trans- sexuels dans les dramas (Reply 1997, Reply 1994, Secret Garden, Cheese in the Trap, Strong Woman Do Bong Soon etc…), un changement, même timide, est en train de s’opérer.
Source : Reuters
Une prise de conscience progressive
La forte participation à la Gay Pride (85.000 personnes) qui s’est tenue à Séoul en juillet dernier et de récents sondages montrant une opinion publique favorable à l’acceptation de l’homosexualité, témoignent d’une évolution des mentalités coréennes.
De plus, au début du mois d’août, la Cour Suprême coréenne a reconnu à Beyond the Rainbow Foundation, une fondation récoltant des fonds pour soutenir la reconnaissance des droits de la communauté LGBT, le droit de s’enregistrer en tant que fondation de charité. Cette autorisation lui avait été toujours refusée par plusieurs institutions gouvernementales durant trois ans, la privant de bénéficier de dons déductibles d’impôts. Selon les observateurs, cette décision de justice est donc de bonne augure pour la reconnaissance des droits LGBT en Corée du Sud.
Il faut également rappeler l’histoire de Kim Bo-Mi, cette étudiante lesbienne, qui en 2015, a été élue présidente des étudiants de l’Université nationale de Séoul avec 86,8% de voix – une première en Corée du Sud. Lors de sa campagne, elle avait annoncé publiquement son homosexualité, son voeu étant que les personnes puissent s’aimer pour ce qu’elles étaient et vivre avec confiance dans ce monde.
On sait aussi que la culture se développe et se partage tant au travers des réalisations artistiques.
Du point de vue musical, outre le soutien précité des artistes de K-Pop, l’arrivée sur la scène de MRSHLL (Marshall Bang), un rappeur américano-coréen né et élevé en Californie au sein d’une famille très pratiquante, s’inscrit dans le cadre de cette ouverture progressive. MRSHLL a lui aussi dû affronter la désapprobation familiale, ses deux parents occupant des fonctions importantes (ministre pour sa mère et diacre pour son père) au sein de la communauté religieuse. Pourtant, il assume pleinement son orientation sexuelle bien conscient de la stigmatisation régnant en Corée du Sud et a même dédié une de ses chansons de son prochain mini album ‒ Dopamine ‒ à tous les LGBT.
Du point de vue cinématographique, le réalisateur Kim Jo Kwang Soo, qui s’est marié symboliquement avec son compagnon Kim Seung Hwan en 2013, tente de faire reconnaître juridiquement son mariage fictif. Sa requête est actuellement étudiée par la Cour Suprême coréenne.
Source: Chung Sung-Jun/Getty Images AsiaPac
Enfin, côté vie nocturne et divertissements, certains quartiers de Séoul ‒ Hongdae et Itaewon principalement – sont connus pour leur côté gay-friendly. Homo Hill, à Itaewon, est notamment apprécié pour ses bars et clubs par la communauté LGBT.
Malgré un État politiquement et juridiquement silencieux sur la question, à l’avenir, on peut espérer une meilleure représentation de la communauté LGBT et surtout l’émergence de véritables droits pour la défendre.
2 Comments
Merci beaucoup, c’est fort intéressant de vois comment cette question fondamentale est prise en compte en Corée. Même si nous sommes en avance (désolée pour la formulation), il reste encore un e grande marche à franchir, en Corée ils viennent de grimper sur la toute première.
Article très intéressant. J’étais très curieuse de découvrir cet aspect de la culture coréenne. En espérant qu’une amélioration rapide voie le jour!