L’inévitable succès du cinéma coréen en France
En 2019, le cinéma coréen fêtait ses 100 ans, et le succès de Parasite (Bong Joon Ho, 2019) ne pouvait pas mieux tomber ! Depuis son premier prix lors du Festival de Cannes 2019, Parasite continue son ascension fulgurante à travers le monde. En dernière date, 4 récompenses des Oscars : meilleur film, meilleur film international, meilleure réalisation et meilleur scénario original, rien que ça !
Établissant de nouveaux records pour le cinéma sud-coréen, son succès confirme l’intérêt mondial pour ces films. Mais cela nous rappelle aussi tout le temps qui a été nécessaire pour en arriver à cette reconnaissance !
En effet, la palme d’or remportée par Bong en 2019 était la première récompensant un film coréen au Festival de Cannes. Pourtant, Parasite est le film palmé avec le plus d’entrées depuis Fahrenheit 9/11 (Michael Moore, 2004). Acclamé par les critiques et plébiscité par le public français, le film de Bong Joon Ho atteste de la popularité du cinéma coréen dans l’Hexagone. Mais bien que fulgurant, ce triomphe n’était pas totalement inattendu.
L’arrivée chamboulante de la « Nouvelle Vague »
À ses débuts, le cinéma sud-coréen, lié économiquement à son gouvernement, a eu des difficultés à trouver sa propre voie. On peut bien sûr citer de grands noms et leurs films associés comme La servante (Kim Ki-young, 1960), Le Brouillard (Kim Soo-yong, 1967), L’arbre généalogique (Im Kwon-taek, 1979)…
Malgré la reconnaissance de ces grands réalisateurs, le cinéma sud-coréen ne réussit pas encore à s’affirmer. Même en Corée du Sud, dans les années 70, les films hollywoodiens suscitent plus l’engouement…
Mais comme dans de nombreux pays, la Corée a connu une « Nouvelle Vague », vers le milieu des années 80, marquée par l’émergence de nouveaux talents et de films acclamés. La Nouvelle Vague commence avec des réalisateurs expérimentés comme Im Kwon-taek, puis continue jusqu’aux années 2000 avec l’arrivée de la « 386 generation ». Nommés ainsi en référence à la vitesse d’une puce d’ordinateur, ils sont nés dans les années 60 et sont allés à l’université vers 1980. Bong Joon Ho, Kim Jee Woon, Hong Sang Soo, et Park Chan Wook en sont des représentants. Aujourd’hui, ils sont surtout des représentants du talent cinématographique coréen !
La progressive reconnaissance artistique…
De nombreux films cultes de la Corée du sud proviennent de cette nouvelle vague.
Ivre de femmes et de peinture (Im Kwon Taek, 2002), Old boy (Park Chan Wook, 2003), Thirst, Ceci est mon sang (Park Chan Wook, 2009), Poetry (Lee Chang Dong, 2010)… Quel autre lien entre tous ces films ? Un prix lors du Festival de Cannes ! Avant la Palme d’or en 2019, le cinéma coréen avait déjà été récompensé lors du festival de cinéma français grâce à des prix de mise en scène, à des grands prix ou à des prix du jury.
Mais l’intérêt français pour le cinéma coréen ne s’arrête pas là !
Déjà en 2005, la cinémathèque française organisait une rétrospective, « Cinquante ans de cinéma coréen ». Ce ne fut pas la dernière ! Avec des focus sur certains réalisateurs coréens, la cinémathèque a continué d’en mettre en avant dans les années suivantes. Et certains cinémas indépendants, comme la filmothèque du quartier latin, organisent souvent des évènements sur ce sujet. On peut retrouver aussi des films coréens dans des festivals comme le festival international des Cinémas d’Asie à Vesoul.
Et bien sûr, le festival du film coréen à Paris qui a débuté en 2006 !
Cet évènement, qui met en avant des films anciens et des sorties contemporaines, attire d’année en année plus de spectateurs. En 2019, les salles combles lors des projections en présence de Kim Jee Woon et Song Kang Ho prouvaient bien la popularité du cinéma coréen en France !
Face aux difficultés du box-office en France
Ces évènements sont bien nécessaires, car, malheureusement, de nombreux films coréens restent inédits en France.
Dans la sélection du festival de film coréen de 2019, seul Nous, les chiens (Oh Seong Yun et Lee Choon Baek, 2019) est assuré d’une sortie dans les salles françaises. De même, en 2017, Battleship Island (Ryoo Seung Wan, 2017) n’a obtenu qu’une salle de projection à Paris. Difficile d’atteindre un large public dans de telles conditions.
Pourquoi les distributeurs français ne laissent-ils pas de chance aux films coréens ?
Certains échecs expliquent peut-être la frilosité des distributeurs. Loin du 1,5 millions de spectateurs de Parasite, The Host (Bong Joon Ho, 2006), énorme succès en Corée, n’obtient que 159 439 entrées en France. Malgré son Grand Prix au festival de Cannes, Old Boy (Park Chan Wook, 2003) n’atteint que 141 031 entrées en France. Cas encore plus frappant : Shiri (Kang Je-guy, 1999), succès critique et financier en Corée, ne dépasse pas les 12 000 entrées en France.
Une nette remontée du cinéma coréen auprès du public français
Mais dans ces exemples, les films coréens augmentent leur place au box-office en France d’année en année.
D’ailleurs, on peut citer quelques succès comme Mademoiselle (Park Chan Wook, 2016) avec 301 115 entrées, Snowpiercer, le transpercenige (Bong Joon Ho, 2013) avec 678 049 entrées, et Dernier train pour Busan (Yeon Sang Ho, 2016) avec 275 938 entrées – et l’ouverture du festival de Cannes cette année-là !
Doucement mais sûrement, ces succès ont permis la promotion du cinéma coréen en France. Même si la Palme d’or a donné un boost à Parasite, Bong Joon Ho avait déjà une bonne réputation en France grâce à ces anciens films. Son nom est synonyme de qualité cinématographique, et il n’est pas le seul cinéaste coréen.
Le cinéma coréen, un cinéma gage de qualité
Bien sûr, la promotion et la diffusion importent, mais la première explication du succès du cinéma coréen, c’est sa qualité !
Les cinéastes coréens ont maintes fois prouvés leur ingéniosité, que ce soit à travers leurs scénarios ou via leurs choix innovants de mise en scène. Cela explique en partie les critiques du remake américain d’Old Boy : impossible de dépasser l’original.
De même, les acteurs coréens méritent autant de louanges. On pense bien sûr à Song Kang Ho, l’un des visages de la Nouvelle Vague. Mais aussi à Choi Min Sik, Bae Doona, Byun Hee-dong, Jeon Do Yeon – qui a remporté le prix d’interprétation féminine à Cannes pour Secret sunshine (Lee Chang Dong, 2007), et tant d’autres.
De plus, le cinéma coréen est soutenu par le gouvernement coréen, qui encourage le développement culturel du pays. Le KOFIC (Korean Film Council), totalement financé par l’État coréen, permet la réalisation des films du territoire. Cette aide est significative car elle permet la production constante d’œuvres coréennes. Mais cette production impressionnante ne signifie pas une baisse de créativité ou de talent, au contraire.
Le cinéma coréen, des films aux genres inclassables
Depuis son invention, le cinéma français a eu besoin d’établir des genres pour définir les films. Drame, romance, course poursuite, comédies, etc… Mais ces cases sont trop restrictives pour le cinéma coréen ! Par exemple, Swing Kids (Kang Hyeong Cheol, 2018) est un film dramatique/comédie musicale/historique/romantique: ce n’est pas banal !
De manière générale, les films coréens jouent avec les genres d’une façon à laquelle le public français n’est pas habitué.
Le cinéma français a du mal à sortir des codes pour tenter de nouvelles choses. Et les films coréens bouleversent totalement ces conventions ! En fait, les films coréens apportent quelque chose de nouveau pour les spectateurs français. Et en plus, ils le font bien !
« Aucune cinématographie n’attire autant l’attention dans le monde que celle de la Corée du Sud » écrivait Jean-Michel Frodon pour les Cahiers du cinéma. On était en 2005.
Alors même si la réussite de Parasite est impressionnante, elle est aussi méritée et était sûrement prévisible. Et maintenant que les distributeurs ne peuvent plus se cacher derrière de mauvais résultats de box-office, peut-être que les spectateurs français pourront découvrir de nouveaux films coréens ! En tout cas, on attend que ça !
N’hésitez pas à partager dans les commentaires les films coréens à voir, car la liste est longue !