5 choses à savoir sur le service militaire en Corée du Sud

9 décembre 2018

Il existe un service militaire en Corée du Sud  auquel il est extrêmement difficile d’y échapper. Le refus de servir la nation est puni d’emprisonnement pouvant aller d’un à trois ans mais aussi d’une stigmatisation sociale, rendant la recherche d’emploi encore plus laborieuse.

Récemment, l’affaire d’un homme, qui refusait d’être enrôlé car cela allait à l’encontre de ses convictions en tant que Témoin de Jéhovah (objecteur de conscience), a été portée jusque devant la Cour suprême coréenne. Celle-ci a considéré que l’objection de conscience était une raison valable de refuser le service militaire.

Pour comprendre l’impact de cette décision, voici 5 points clefs à savoir sur le service militaire en Corée du Sud.

 

1/Un service militaire pour tous

Suite à la Guerre de Corée (1950-1953) et le fait que les deux Corées soient techniquement en guerre, il a été mis en place un service militaire en Corée du Sud. Depuis 1957, tous les citoyens masculins de Corée du Sud dès lors qu’ils sont âgés de 18 ans, doivent passer un examen médical. Celui-ci déterminera leurs aptitudes physiques (et mentales) en fonction desquelles ils se verront attribués un grade (allant de 1 à 5 ) selon lequel ils seront amenés :

  • à servir pour le service actif (armée de terre, air, marine …. grade 1 à 3)
  • à servir en tant que travailleurs dans le service public (policier, fonctionnaire, employé dans une entreprise en lien avec l’armée … grade 3 à 5)
  • ou seront exemptés (grade 5)

À la suite de cet examen médical, l’administration coréenne appelle les citoyens qui peuvent repousser leur date d’enrôlement de manière justifiée. Par exemple, s’ils veulent poursuivre leurs études à l’université, ils peuvent repousser jusqu’à leurs 24 ans (pour la licence), 26-28 ans (pour le master/doctorat). La date limite est donc 28 ans, après, l’appelé n’aura pas d’autres choix que de s’engager.

De manière générale, les Sud-Coréens doivent servir leur pays pendant 21 mois, soit presque deux ans. Pour une durée précise, tout dépend ensuite de l’affectation à un corps (armée de terre, air, marine, service civil ….) et du type de service « public » non actif. Par exemple, pour les forces armées de l’air, la durée est de 24 mois tandis qu’elle est de 36 mois pour ceux qui sont dans un service non-actif. 

Tout est fait pour que tous les citoyens masculins fassent leur service militaire. Entre 25 et 29 ans, leur liberté de circuler est encadrée : les jeunes Coréens ont droit à cinq voyages à l’étranger et leur séjour ne peut pas excéder six mois.

  

2/Des exemptions très difficiles à obtenir et mal perçues 

Comme le principe est que tous les citoyens masculins doivent être aptes à défendre le pays en cas d’attaque de la Corée du Nord, les exemptions sont donc minutieusement accordées. L’opinion publique n’est pas tendre envers ceux qui refusent leur conscription, voire même ceux qui en sont exemptés. 

  • L’exemption due à une condition physique défaillante (grade 5) 

Outre ceux qui ont un casier judiciaire, il s’agit d’une exemption objective puisque basée essentiellement sur de résultats médicaux.

Suite à l’examen médical, si les médecins jugent que l’appelé en question souffre d’une pathologie grave physique ou mentale, celui-ci est exempté de service militaire. A priori, ce type d’exemption semble la plus juste car uniquement basée sur l’état physique. Seulement, malgré cette objectivité, l’opinion publique a crié au scandale lorsque les acteurs Seo In-Guk (souffrant d’ostéochondrite) et Yoo Ah-In (ostéosarcome) ont été officiellement déchargés de service militaire en raison de leur grade 5 aux tests physiques.

Les acteurs ont été sévèrement critiqués par l’opinion publique, les accusant de vouloir échapper au service militaire. Et bien que les deux se soient ouvertement expliqués et excusés, pour certaines personnes, leur exemption bien que médicale, paraissait tout bonnement injuste.

   

  • L’exemption en guise de récompense pour la contribution au rayonnement de la nation  

Vers les années 70, la Corée du Sud avait pour ambition de briller sur la scène internationale  et le sport était un de ces moyens. Afin d’encourager ses athlètes, il était devenu possible pour ceux qui remportaient des médailles d’or aux Jeux Asiatiques (Asian Games) ou n’importe quelle médaille aux Jeux Olympiques d’être exemptés du service militaire.

C’est pourquoi les membres des équipes de football et de baseball, ayant remporté cette année la médaille d’or aux Asian Games, ont donc été exemptés. En particulier le célèbre Son Heung-Min, joueur de Tottenham, qui était sur le point de s’enrôler (ce qui aurait eu pour conséquence la fin de sa carrière internationale). Toutefois, cette règle pourrait changer à l’avenir car des voix s’élèvent contre cette exemption, la jugeant injuste.
D’autres – c’est le cas du législateur Ha Tae-Kyung – envisagent de l’étendre à une autre catégorie : les artistes, en particulier ceux de Kpop. Puisque le principe est le même – récompenser ceux qui font rayonner la Corée à l’international – il s’agirait d’appliquer cette exemption aux artistes ayant une renommée internationale. Il avait notamment évoqué une exemption pour les BTS, entraînant un déferlement médiatique de critiques négatives.

 À l’heure actuelle, la question est toujours en débat.

Son Heung- Min et sa médaille d’or aux Jeux Asiatiques

3/Un service militaire en pleine restructuration 

Avec la vague de détente entre les deux Corées qui se sont mises d’accord pour mettre fin à leurs exercices militaires et supprimer des postes sur la DMZ, le service militaire subit quelques ajustements ces derniers mois.

 

  • La réduction du temps de service

À partir de janvier 2019, les engagés seront déchargés de trois mois de service. Ceux qui font actuellement leur service verront également leur temps se réduire de trois mois. Cela signifie que de manière générale, au lieu de 21 mois, le service militaire en durera 18.

  • Un service militaire alternatif pour les objecteurs de conscience

 Suite à la décision de justice de la Cour suprême, le Ministère de la Défense envisage de mettre en place un service militaire alternatif qui consisterait à travailler au service d’hôpitaux spéciaux et/ou de prendre soin de personnes handicapées ou souffrants de démence, ou de servir en tant que pompiers, policiers ou dans employés de prison.  Ces derniers ne seront donc plus emprisonnés en raison de leur refus. 

   

 

4/Un service militaire physiquement et mentalement dur  

Il s’agit d’un devoir national de servir la nation. Depuis leur enfance, les garçons coréens sont élevés avec la conscience qu’ils devront obligatoirement servir leur pays. Pour autant, une fois adulte, l’enthousiasme n’est pas au rendez-vous. Et pour cause.

  • Un entraînement physique draconien

Les premières semaines du service militaire en Corée du Sud sont considérées comme les plus éprouvantes. Pendant quatre à six semaines (selon les corps d’affectation), les conscrits subissent un entraînement physique et mental intense au cours duquel ils apprennent à être un bon soldat (manier un fusil, prendre des tours de gardes, exercices physiques …)

Désormais traités en tant que soldats par leurs supérieurs, ils découvrent la discipline militaire. Certains parlent même d’intimidation, l’idée étant de faire de ces garçons de “(vrais) hommes”.

  • Un mental mis rudement à l’épreuve

Pendant ces semaines « d’initiation » (et voire tout au long du service militaire), les conscrits n’ont droit à aucun contact avec les proches. Ils sont regroupés dans des bases où Internet est absent et les sorties sont très rarement autorisées. Tout contact avec la famille ne peut se faire que par correspondance surveillée.

Cet isolement – familial et social –  est d’autant difficile à supporter dans un univers militaire hautement discipliné. Déjà que les conscrits sacrifient deux ans de leur jeunesse, ils sont payés très peu pour leurs efforts – 300 000 wons –  bien moins que le SMIC coréen déjà faible.

Preuve que les Sud-Coréens ne s’engagent pas de bon coeur, récemment, un groupe de douze étudiants en musique classique de Séoul, a fait exprès de prendre du poids avant l’examen médical afin d’échapper à l’enrôlement. D’autres se dirigent vers des méthodes plus radicales : se fracturer un os, subir une opération chirurgicale non nécessaire …  Tout est bon pour échapper à la conscription qui semble pire que la prison.

5/Des incidents étouffés

Cet isolement laisse peu de place à la liberté de pensée. Il s’agit d’écouter et d’exécuter les ordres des supérieurs sans les contester. Les “soldats” sont forgés à redouter la Corée du Nord afin qu’ils incorporent l’idée que ce service militaire – bien que difficile – est indispensable pour défendre la nation face au “frère ennemi”. Ce brainwashing politique organisé n’est pas la seule chose à craindre.

Plusieurs cas de maltraitances (violences verbales et physiques), de bizutage, ou d'”accidents” sont rapportés chaque année. En 2014, un jeune Sud-Coréen avait succombé aux coups de camarades après avoir longuement subi leur harcèlement, un autre aurait tué cinq de ses camarades pour se venger d’un traitement humiliant (un cas récurrent), d’autres subiraient des agressions sexuelles etc… Sans compter les nombreux cas de suicides parmi les conscrits qui sont légions. Si quelques incidents font la une des médias – notamment en raison de leur caractère choquant sensationnel – d’autres (pas moins graves et terribles) passent malheureusement sous silence.

Le service militaire en Corée du Sud n’est donc pas un épisode joyeux pour la plupart des Sud-Coréens. Nombreux ne souhaitent d’ailleurs pas s’étendre sur le sujet, concluant juste qu’il s’agit d’une période passée, qui fut difficile et dont ils ne veulent plus se souvenir.

Si l’avis de quelques concernés vous intéresse, voici une vidéo d’Asian Boss.

Quelles qu’elles soient, les questions autour du service militaire en Corée du sud suscitent toujours des polémiques dans un pays où divers intérêts agitent l’opinion publique. Face à une baisse de l’effectif des appelés – en raison d’une natalité de plus en plus faible – et une pacification récente et progressive des relations avec la Corée du nord, certains conservateurs cherchent à abolir tous privilèges pour maintenir un service militaire ferme (et donc supprimer les exemptions) tandis que d’autres le jugent inadapté face à la société actuelle et jugent qu’un remaniement du service dans sa totalité serait plus judicieux.

Le service militaire en Corée du Sud reste donc un point sensible à aborder et ne manquera pas à l’avenir de faire parler de lui. D’ailleurs, qu’en pensez-vous ?

Crédit photos :   kmazing.com, cartilagefreecaptain.sbnation, businessinsider.com, scmp.com

 

    2 Comments

  • Anonyme
    9 décembre 2018
    Reply

    Personnellement je suis absolument contre tout ce concerne le service militaire. Il est grand temps que tous les pays, sans exception, déposent leurs armes.

  • Biva
    16 décembre 2018
    Reply

    Bonjour,
    merci pour cet article qui donne un éclairage plus précis sur cette période tant redoutée par les coréens.

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